Quand on parle d’anatomie artistique, il est bon de se rappeler l’avis :
– d’un artiste CÉZANNE qui écrivait : « Ils feraient mieux de faire de l’ANATOMIE… si nous voulons composer, dresser, un bonhomme debout, sans modèle »
– d’un anatomiste : GERDY « L’ANATOMIE venant au secours des yeux donne de la transparence à la peau et montre à l’intelligence de l’ARTISTE les formes de la surface du corps ».
Le squelette donne l’aspect global de l’individu, homme ou femme, puis les muscles modèlent les formes de façon plus ou moins nettes, en tenant compte des mouvements. Il ne reste plus qu’à mettre la peau, puis les vêtements, et tous les éventuels accessoires entrant dans la composition du tableau de l’artiste.
Depuis très longtemps, les magnifiques sculptures de la civilisation hellénique s’appuyant sur des
« canons » (notamment celui de PYTHAGORE dont la tête était l’unité de mesure, avec le canon de POLYCLÈTE (dit canon à 7,5 têtes) nous ont démontré que l’improvisation n’était pas de mise pour représenter le corps humain.
En 1528, Albrecht DÜRER, graveur célèbre propose « les proportions du corps humain ».
La peinture figurative, en particulier de la Renaissance, s’appuie sur la connaissance du corps avec le Traité de peinture de Léonard de VINCI en 1651.
C’est grâce aussi aux travaux d’André VESALE avec en 1543 De human corporis fabrica que les artistes ont découvert cette merveille qu’est le corps humain.
Le corps féminin est mis en vedette par TINTORET avec Suzanne et les Vieillards (1552).
Plus tard, après la beauté des formes féminines des peintures de Pierre Paul RUBENS (1577-1640), REMBRANDT (1606-1669) n’hésite pas dans La leçon d’anatomie du Pr TULP à réunir anatomie précise et art.
Regardons aussi le magnifique Anatomia humani corporis de Govard (Godfried) BIDLOO (1649-1713). Les planches faites par le peintre hollandais Gérard de LAIRESSE et gravées par BLOTELING représentent l’anatomie avec un souci de précision allié à la grâce et la poésie (comme l’émotion que l’on ressent à la vue de l’utérus ouvert avec le fœtus). Nous avons utilisé cet ouvrage publié en 1635 pour faire une dissection du membre supérieur (André MORIN) et Robert GAUTHIER en a fait un tableau fidèle dans cet ouvrage.
Les différentes Vénus et Aphrodite sont un prétexte à magnifier le corps féminin. On ne saurait les citer toutes. Rappelons la Vénus de Jean METSY (1561) femme à la fois digne et provocante, les Fêtes galantes de WATTEAU, l’Odalisque brune de François BOUCHER (vers 1745). Jean Honoré FRAGONARD présente la femme discrètement sensuelle avec L’Escarpolette (1767).
La femme religieuse, érotique, mystérieuse s’est peu à peu dénudée dans les tableaux et Robert GAUTHIER poursuit cette voie, avec une rigueur anatomique, une vérité morphologique qui lui permet d’exprimer toutes les expressions corporelles dont beaucoup traduisent des sentiments, des passions, voire le reflet de l’âme.
Cette histoire de l’anatomie artistique, ou de l’art anatomique se poursuit toujours, pour le plus grand bonheur des yeux.
Même dans les traités « classiques » d’anatomie, l’aspect artistique est toujours soigné comme dans :
Anatomie de l’homme de Jules CLOQUET en 1821 illustré par lui-même,
Traité complet l’anatomie (avec la médecine opératoire de Jean Marc BOURGERY (1797-1849),
et au XX° siècle avec les atlas de SOBOTTA, de PERNKOPF, le magnifique atlas de Franck NETTER qui peint lui-même toutes les planches…et bien d’autres encore.
Dans ce premier ouvrage, la recherche de la simplicité, nécessité didactique, ne doit pas cacher la complexité de la démarche, qui va ouvrir (ou rouvrir) l’attention minutieuse du peintre pour faire apparaître après les efforts un « produit » vrai dont la rigueur est parfaitement compatible avec la beauté