PROMÉTHÉE – EPIMETHEE

Titan, fils de JAPET, Prométhée est le «prévoyant» : il connaît tout d’avance, il a tout prévu, contrairement à son frère, Épiméthée, qui ne comprend qu’après.

La puissance de ZEUS est tenue en échec par le savoir de Prométhée qui en sait plus que tout Dieu ou tout homme mortel. ZEUS a triomphé des Titans, mais il est menacé par un mariage avec une femme dont il aura, sans qu’il s’en doute, un fils plus puissant que son père.

Seul Prométhée connaît le danger qui guette le pouvoir de ZEUS. Celui-ci peut l’emprisonner dans les liens les plus contraignants, il n’obtiendra rien avant d’avoir pactisé avec lui, avant d’avoir gagné sa collaboration. L’intelligence du Titan est nécessaire pour donner au souverain des Dieux le pouvoir absolu de lier et de délier, sans quoi sa royauté pourrait toujours être remise en question.

Ruse du Bœuf

Les hommes qui partageaient autrefois la table des Dieux se querellèrent avec eux. Pour régler le différend, Prométhée joue le rôle de médiateur.

Prométhée entreprend de sacrifier un bœuf énorme.

L’animal est partagé en deux parts inégales : d’un côté, la viande cachée sous la peau peu appétissante du ventre de la bête, de l’autre, l’ensemble des os, mais recouverts d’une graisse brillante et de belle apparence.

Prométhée qui a machiné ce partage frauduleux invite ZEUS à choisir la part qui lui plaît le plus. ZEUS, qui connaît la supercherie mais joue le jeu, répond à Prométhée en prenant les ossements cachés sous la graisse.

Vengeance de ZEUS

D’un coup, la bile emplit son cœur : pour se venger, il imposera désormais aux hommes, favorisés par la tromperie de Prométhée, d’avoir besoin de se nourrir de chair et de sang et d’être ainsi condamnés à la vie brève. Ils sont ainsi radicalement séparés des Dieux immortels, auxquels sont réservées les «super nourritures», ambroisie, nectar, fumets et odeurs.

Après ce partage sacrificiel, ZEUS veut punir Prométhée de l’avoir trompé : il interdit aux hommes de faire usage du feu pour cuire les viandes et se nourrir.

Rapt du feu

C’est alors que Prométhée s’en va voler le feu de ZEUS pour en faire cadeau à l’humanité.

Nouvelle vengeance PANDORA

En échange de quoi ZEUS à son tour, envoie aux hommes un piège redoutable, auquel nul ne réussit à échapper. C’est la femme, la première, car dans l’âge d’or tout se passe entre hommes.

Cette femme, désirable et séduisante, n’a rien de plus pressé, une fois arrivée à destination, que de soulever le couvercle de la jarre où étaient enfermés les maux et les maladies. Depuis lors, les hommes sont condamnés à la vieillesse et à la mort.

Interprétations

Interprétations des anciens

Les cyniques sont anti-prométhéens, ils protestent contre l’invention du feu, contre la dénégation de la vie sauvage que partagent les animaux et les peuples barbares. Ils prônent le manger cru et la vie simple des premiers hommes qui buvaient l’eau des sources et se nourrissaient de glands ramassés et de plantes cueillies.

Refuser Prométhée, c’est entreprendre de déconstruire une société et une civilisation dont le Porte-Feu a été le symbole et le héros.

Eglise

Il est plus significatif qu’étonnant de constater la mise en sommeil à peu près totale du mythe de Prométhée.

Eschyle

Des sources grecques de la légende, on ne s’étonnera pas que celle d’ Eschyle soit la plus exploitée alors (Hésiode est peu fréquenté par l’humanisme des Lumières et, plus curieusement, le dialogue de Lucien, Prométhée ou le Caucase , véritable pamphlet contre ZEUS, n’est guère utilisé). Eschyle avait consacré à Prométhée une trilogie dont on sait que le Prométhée enchaîné nous est seul parvenu ; le Prométhée délivré qui lui faisait suite est perdu, de même que le Prométhée porte feu

HUGO

L’accent est mis néanmoins avec une insistance plus ou moins exclusive sur l’un ou l’autre des trois aspects. Plus tard, par exemple, le romantisme identifiera couramment Napoléon captif à Sainte-Hélène à Prométhée enchaîné sur le Caucase (ainsi Hugo dans Le Retour de l’Empereur et de nouveau dans L’Expiation) ;

VINCENZO Monti

C’est la dernière chose qu’aurait bien pu prévoir le jacobin italien VINCENZO Monti lorsqu’il entreprenait, en 1797, un poème épique, intitulé Il Prometeo, à la gloire du révolutionnaire libérateur sous les traits duquel l’Italie saluait alors le jeune général Bonaparte.

Beethoven

Ballet pour Les Créatures de Prométhée de Vigano,

Beethoven compose une musique de ballet pour Les Créatures de Prométhée de Vigano, où le rôle civilisateur de Prométhée, maître des techniques et des arts, est presque seul envisagé dans la plus pure tradition de l’Aufklärung ; par Vigano, il est sans doute informé de l’entreprise de Monti;

Thème du finale de sa Symphonie héroïque

On ne s’étonnera pas dès lors de le voir reprendre le thème final du ballet, destiné à glorifier le triomphe de Prométhée, pour en faire le thème du finale de sa Symphonie héroïque (dont on sait qu’elle se nommait primitivement Symphonie Bonaparte).

Goethe

Il ébauche quelques scènes pour un Prometheus qui demeurera inachevé ; la dernière est le cri de révolte et de défi lancé par Prométhée aux Dieux : «Je ne sais rien sous le soleil de plus misérable que vous, Dieux ; […]. Moi, t’honorer ; À quel titre ; […]. Qui a forgé cet homme que je suis, sinon le temps tout-puissant et le destin éternel, mes maîtres et les tiens ; […]. C’est ici que je demeure, formant des hommes à mon image, pour souffrir, pour pleurer, pour goûter les plaisirs et les joies, et t’avoir en mépris, comme moi ;»

Puis, bien des années plus tard, Goethe écrit, sans l’achever non plus, une Pandora ou Prométhée, veut changer le monde, se voit opposer son frère Épiméthée qui accepte sa destinée et s’en réjouit.

SCHELLEY

SCHELLEY publie son Prométhée délivré (Prometheus Unbound ), l’un des sommets de son œuvre, a l’athéisme militant.

KARL MARX

MARX repartira du texte même d’Eschyle pour lancer un cri de guerre qui n’est pas si loin de la prophétie de SCHELLEY : «La philosophie fait sienne la profession de foi de Prométhée : En un mot, j’ai de la haine pour tous les Dieux ; Dans le calendrier philosophique, Prométhée occupe le premier rang parmi les saints et les martyrs».

TZIGANOV Promethée

GIDE parodie le vieux Titan dans son « Prométhée mal enchaîné » (1899).

Fabricant d’allumettes, en rapports avec le banquier ZEUS, Prométhée met toute sa joie masochiste à nourrir de son foie un aigle, et fait une conférence : «Premier point : il faut avoir un aigle. Deuxième point : d’ailleurs nous en avons tous un.» Et puis, un beau jour, comprenant le ridicule de son délectable supplice, il tue son aigle pour le manger à son tour.

NIETZCHE

Coïncidence étrange : c’est l’âge de la mort de Dieu qui réduit le mythe à ne plus prêter qu’à rumination vertueuse ou à parodie désinvolte. Et c’est pourtant le héraut de la mort de Dieu, NIETZCHE, aventurier porte-feu, insurgé, qui refuse de se renier dans les souffrances de son drame personnel, annonciateur d’une liberté nouvelle et d’un rire neuf, qui a su le mieux inventer la démarche d’une pensée et d’une vie authentiquement Prométhéennes.

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